L’arbre du parc Monceau

Carte postale du Printemps

Soudain, à votre droite, le chemin se ramifie. Je choisis de m’adosser au tronc au milieu; les bancs sont occupés.

Un premier couple passe.
C’est toujours l’homme qui parle:

- Non..? Cela doit être indiqué...

Il commence le tour de l’arbre

- ... Il faudrait mesurer sa circonférence pour...

Et réapparaît:

- ... Si..! A l’époque de Louis XIV, ...

Ils s’éloignent. Sur ma gauche, un autre couple.

- et de mémoire d’homme, il a toujours été là. Dans tous les bouquins, on indique sa présence. A cet emplacement.

Ils passent et disparaissent.

Un père, sa mère, ses deux enfants:

- on ne sait pas quelle circonférence il a, ...

Deux petites filles. L’une essaie de grimper.
Elle me dit:

- pardon monsieur!

L’autre:

- C’est des vilains, ils ont écrit dessus..!

- Laura!

C’est la mère au loin.

- J’ai dit pardon...

- (silence)

Alors elle redescend. Elles s’envolent. Un homme se cale debout, face à l’arbre, à côté de moi, l’air amusé. Imperceptiblement il sautille.

- Aaééeh!!!

Sa fille sans problème l’a retrouvé et la mère suit derrière, enamourée.

- A moi, maintenant! A nous!

...

Elle essaye désespérément d’attirer son attention:

- J’ai mis des petits sapins...

Elle déploie, en démonstration, son bras devant elle mais la vieille femme, silencieuse, regarde l’arbre...

Elle attire alors sa mère vers la suite du chemin.

- Qu’est-ce que tu disais?

La voix agacée ou dépitée s’éloigne:

- J’ai mis des petits sapins.

C’est désolant, des petits sapins, cela ne fait pas le poids, des petits sapins.

L’enfant et sa maman:

- Il est gros, cet arbre!

- Non, il n’est pas gros, il est énorme.

(Bravache)- Je vais casser une branche!

Il brandit son épée plastique hors du fourreau qui pendouille.

(Héroïne dramatique):

- Non! Ne l’abîme pas!

Puis:

- Il est très, très vieux.

Trois retraités: une femme et une autre, un homme:

- Tu as vu cet arbre?!

- Il est beau.

- Tu as vu ses branches?!

- Oui.

- Et tu as vu ses racines!

- (il grommelle)

Un couple à la suite. Il la tire par la main.

- Il est beau cet arbre!

Il tire.

(un regret dans la voix):

- Ca n’est pas marqué...

Il tire! Elle me sourit malheureuse.

Le garçonnet traîne la patte.

- Il est énorme. Il n’est pas très haut.

Le père avance, le tricycle sous l’aisselle. La mère regarde à peine:

- Non, il n’est pas très haut.

Le gardien de square et sa coéquipière chassent un à un les dimanchiers de la pelouse. Cela ferait une belle conclusion, me dis-je.

"  Monsieur, s’il-vous-plait, voulez vous bien partir de là! "

Je peux maintenant m’asseoir sur un banc et regarder, déployé dans le ciel du Printemps, l’arbre du Parc Monceau.